Bonjour mes Fétiches ! J’espère que vous allez bien. Comme vous le savez (ou pas), je suis originaire de Lyon et je voulais partager aujourd’hui avec vous une anecdote (parmi tant d’autres) sur cette grande ville de France. Que vous soyez de Lyon ou non, il est toujours intéressant de découvrir des anecdotes historiques…
La curiosité est un malin défaut !
Le 11 octobre 1711, survint une tragédie au Pont de la Guillotière qui a donné la Part-Dieu, devenue depuis la Part du diable !
Une anecdote racontée à la gone comme on appelle communément les enfants du pays lyonnais. Vous trouverez en bas de l’article les diverses explications.
Le 11 octobre 1711, c’était le premier jour de la vogue de St Denis de Bron. Cette fête existait depuis des temps immémoriaux, depuis les Gaulois de Condate au moins, et c’était la fête de Bacchus, ou Dionysos, que les curés de l’époque avaient bien vite transformé en St Denis. D’évidence on s’y rinçait bien le corgnolon, mais cette vogue avait la particularité que tout le monde pouvait s’insulter librement sans que les urbains, la police de l’époque, interviennent. Cela devenait un jeu à qui se dirait les insultes les plus grossières. On en a gardé certaines expressions lyonnaises qui pourtant sont on ne peut plus affectueuses, comme « Ah, te v’là charogne ! » et bien d’autres encore. Alors, vous pensez bien que fête pareille, ça attirait plein de monde.
Ce 11 octobre 1711, tout le monde était bien allumé mais la vogue allait s’éteindre, il se faisait tard et il fallait rentrer. À cette époque il n’y avait qu’un seul pont, qui était très long, pour traverser le Rhône, celui qu’on appellera le pont de la Guillotière, et ce pont fermait la nuit. Du côté de la Guillotière, où il y avait de grands tènements agricoles, le pont commençait à la « place du Pont » (d’où ce nom qui est resté même si le pont n’est plus là) et il y avait une tour d’octroi, avec une porte et un pont levis. De l’autre côté il allait presque jusqu’à Bellecour où il y avait une barrière (d’où la rue de la Barre). Tous ces gens qui rentraient de la vogue par la Guillotière, bien fioles de collagne, se pressaient pour arriver avant la fermeture du pont pour rentrer chez soi.
V’là t’y pas qu’en face débouchait de Bellecour le carrosse de Madame Servient, qui se rendait sur ses terres sur la rive gauche. Mais son carrosse a été accroché par un charroi venant en sens inverse et fut renversé en plein milieu du pont, ce qui produisit une barrière infranchissable sur laquelle la foule vint se heurter et l’empêchait de traverser. Ceux qui étaient en tête, pressés par ceux qui suivaient furent écrasés les uns sur les autres. On dénombra 241 victimes dans ce qu’on appela « le tumulte du pont du Rhosne ». Il y eut en effet 25 personnes noyées dans le fleuve, et 216 mortes écrasées.
Madame Servient, Catherine de Mazenod de son nom de jeune fille, dame de la Part-Dieu, fut si tellement frappée par cette tragédie, qu’elle laissa tous ses immenses domaines de la rive gauche « au profit des pauvres » [1] de la ville de Lyon. Auteure involontaire de cette catastrophe, rongée par le remords encore 14 années après, elle donna donc ce qui fut pour elle « sa part de Dieu ». Cependant, les échevins, les élus municipaux lyonnais ne firent pas grand cas de son vœu [2], puisqu’on voit bien ce qu’il en est advenu de la « Part-Dieu ». Si ce fut la principale origine de la fortune des Hospices Civils de Lyon, ce ne fut pas les pauvres qui en profitèrent !
Dans un premier temps, on ne se gêna pas pour transformer la plus grande partie de cet immense tènement de Madame Servient en une caserne. Puis on rasa tout, arbres et bâtiments, pour en faire l’abominable centre commercial actuel de la « Part-Dieu ». On en oublia complètement les pauvres et le vœu de Madame Servient… Et encore aujourd’hui ce temple du commerce et du fric, ça rapporte gros pour certains. Ils s’en moquent bien, des pauvres !
…Appelons la désormais la Part-diable !
P.-S.
Quelques mots du langage lyonnais :
– vogue : fête foraine, fête baladoire
– corgnolon : gosier, oesophage
– fiole : bourré, presque saôul
– de collagne : ensemble
Notes
[1] Car, à cette époque donner aux Hospices pour Catherine Servient c’était vraiment donner aux pauvres. Les bourgeois n’allaient pas à l’hospice : ils se faisaient soigner chez eux. Elle a fait donation de son vivant en 1725 de ses terres, des bâtiments et de toute la production agricole de l’année. « Dans un testament tenu secret, Madame Servient a fait des pauvres de Lyon ses légataires universels, sous diverses conditions notamment la célébration de 600 messes basses, d’une rente viagère annuelle de 6000 livres payable par moitié tous les semestres avant sa mort et la prise en charge de son enterrement par l’Hospice »… L’alcoolisation des vogueurs l’ayant marqué à tout jamais, Catherine Servient avait, dans son vœu, interdit l’installation de cabarets sur ses terres de la Part de Dieu ! On s’en ait aussi tamponné le coquillard…
[2] Elle fut cependant honorée par l’appellation à la fois de trois rues : la rue de la Part-Dieu, la rue Mazenod et la rue Servient mais en oubliant de dire que c’était une femme en n’apposant point son prénom.
Voilà pour la petite anecdote sur cette ville où je suis née… J’espère que ça vous aura plu et je vous dis à très vite ! (◕‿◕✿)
Bonjour, Merci pour cet excellent article ! Auriez-vous des sources historiques sur cette catastrophe du pont de la Guille ?
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Bonjour et merci beaucoup^^ Les sources historiques, je les ai principalement dénichée aux archives départementales du Rhône, mais vous pouvez en trouver sur le journal local en ligne (Le Progrès) ou même sur divers sites qui en parlent comme Wikipédia sous l’appellation Bousculade du pont de la Guillotière (anciennement le pont de la Guille) ou encore le fabuleux bouquin « La Part-Dieu, 800 ans d’histoire » de Damien Richard.
Belle fin de semaine 🙂
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